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Entretien avec Georges Berthoin, ancien chef de cabinet de Jean Monnet et élève de Jacques Chevalier

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3 Août 2020

Georges Berthoin

En quelle année avez-vous été élève de Jacques Chevalier ?


En 1944, car je me souviens avoir passé l’examen final de ce qu’on nommait alors la licence en lettres, avec lui. Parce qu’il était menacé, deux gardes du corps étaient placés derrière les étudiants qu’il interrogeait dont moi. Je crois avoir suivi ses cours à partir de 1942.


Quels sont vos meilleurs souvenirs avec Jacques Chevalier ?


Un homme d’une extrême courtoisie. Aucune arrogance intellectuelle. Il mettait à l’aise. Il faisait aimer ce qu’il nous disait.


Vous a-t-il inspiré par la suite et dans les métiers que vous avez exercés ?


Oui. Son passage dans le pouvoir à Vichy montrait l’incompatibilité entre philosophie et pratique politique. Il faut se libérer de l’une pour aborder l’autre. Car les deux ont leurs disciplines et leurs exigences intellectuelles.


Etiez-vous d’accord avec ses idées politiques ?


Non, opposé. Mais j’étais un gamin et lui une sommité intellectuelle. Je voulais apprendre de lui. J’avais l’habitude depuis l’enfance d’écouter et de respecter celui avec lequel j’étais en désaccord. J’avais plus à apprendre ainsi qu’en m’entendant répéter mes convictions.


Avez-vous compris la philosophie grâce à lui ?

 

Oui, en partie, car dès mon adolescence j’étais initié à la philosophie par les discussions familiales.


Est-ce que sa pensée était claire et lumineuse comme beaucoup de ses élèves l’affirment ?


C’était sa force. Il apprenait à réfléchir et penser par soi-même.


Avez-vous gardé contact avec lui après avoir fini vos études à Grenoble ?


Non, car je suis parti pour Paris puis très vite vers l’Amérique et ... l’Europe.


Quels apports Jacques Chevalier pourrait-il avoir auprès des jeunes étudiants en philosophie ?


Apprendre à utiliser ses facultés intellectuelles afin de ne pas sombrer dans la civilisation presse-bouton.
En montrant qu’il n’existe pas d’incompatibilité entre christianisme et réflexion moderne, afin de participer pleinement à la recherche d’une relation apaisée et non dogmatique avec le monde. Beaucoup de ses compagnons eurent déjà des problèmes avec Rome. Ils avaient déjà raison car ils comprenaient comme lui que nous entrions il y a cent ans (ce qui n’est rien dans l’histoire des réflexions humaines) dans le temps des grandes Refondations.


Pourquoi avez-vous choisi d’aider financièrement Jacques Chevalier à sa sortie de prison ?


Il ne devait pas se sentir abandonné ou oublié, son être profond ne le méritait pas. De plus, sa fidélité à Bergson dans les conditions difficiles de Vichy m’avait beaucoup impressionné.


Aujourd’hui, si vous deviez vous référencer à un philosophe, qui serait-il ?


Je le cherche encore.

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