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Interview de Daniel Bloch, historien et ancien recteur

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12 Avril 2021

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Comment est né votre intérêt pour Jacques Chevalier ? 

 

Ayant été élu à l’Académie delphinale, il me fallait préparer un discours de réception. Je choisis de le consacrer au Doyen René Gosse, ancien directeur de l’Institut polytechnique de Grenoble mais également ancien doyen de la faculté des sciences de Grenoble. J’avais en effet été président de l’Institut polytechnique puis de l’Université scientifique de Grenoble. L’histoire de René Gosse s’entrelace avec celle de Jacques Chevalier, lui-même doyen de la faculté des lettres, que j’ai ainsi découvert. L’un et l’autre ont notamment contribué, côte à côte, dans les années 30, à transformer l’Université de Grenoble en une université de rang international. De plus, Jacques Chevalier a été pendant de nombreuses années membre de l‘Académie delphinale, et même son Président. Tout ceci m’a conduit naturellement à les associer dans ce discours de réception, consacré à l’histoire de deux amis, tous deux normaliens, dont les trajectoires ont divergé dès lors que le Front populaire s’est installé, puis que, plus tard, l’Etat français s’est substitué à la République. 

 

Pourquoi avoir choisi d’étudier la relation Mounier-Chevalier ?

 

On ne peut chercher à connaître Jacques Chevalier, sans rencontrer Emmanuel Mounier sur son chemin. Emmanuel Mounier est grenoblois, et il est sans doute avec Jean Guitton, le plus connu de ses élèves. Il étudie sous la direction de Jacques Chevalier durant trois années, à l’issue desquelles il obtient une licence de philosophie et un diplôme d’enseignement supérieur l’autorisant à passer le concours d’agrégation. Trois années de grande proximité, où de fait, en de nombreuses occasions,  Emmanuel Mounier joue le rôle de secrétaire particulier de Jacques Chevalier. Ainsi les notes qu’il prendra à ses cours constitueront la base de l’ouvrage que Jacques Chevalier consacrera à Bergson. Emmanuel Mounier obtient – classé deuxième – l’agrégation et télégraphie immédiatement à Jacques Chevalier pour lui annoncer sa réussite, « votre œuvre » lui écrit-il. Jacques Chevalier lui répond « ma plus belle œuvre c’est vous ». Il conseillera Emmanuel Mounier tout au long de la période d’élaboration de la revue Esprit. Mais là encore, leurs trajectoires se séparent, compte tenu de leurs désaccords sur des questions essentielles, comme celle du pacifisme, ou de la guerre civile espagnole.  Une amitié alors tumultueuse, mais qui subsiste malgré tous les obstacles. A travers cet ouvrage, il s’agissait là aussi d’apporter une contribution à l’histoire des années 30 et du début des années 40.

 

Quelle a été la découverte la plus marquante ?

 

Cette recherche a ainsi permis de rendre justice à Jacques Chevalier qui avait été effacé – ou presque – de la biographie d’Emmanuel Mounier : Photoshop n’a pas résisté à la rigueur de la recherche historique. Ainsi, par exemple, alors que le récit officiel portant sur la création d’Esprit donne à Jacques Maritain une place essentielle, les échanges de correspondance entre Emmanuel Mounier et Jacques Chevalier  établissent que cette place a bien davantage été celle de Jacques Chevalier.

 

Quels sont vos futurs projets concernant Jacques Chevalier ?

 

Ces recherches m’avaient conduit à explorer le fonds privé Jacques Chevalier placé aux Archives nationales, avec un accès ouvert par sa famille, notamment pour y consulter les pièces relatives à son procès, à la Libération, mais aussi pour prendre connaissance des courriers adressés par Emmanuel Mounier à Jacques Chevalier. Si Emmanuel Mounier est l’élève de Jacques Chevalier, ce dernier est l’un des disciples principaux d’Henri Bergson, et de ses disciples certainement celui avec lequel Bergson a entretenu les relations les plus intimes. D’où un ouvrage en cours portant sur Henri Bergson et Jacques Chevalier, ainsi alimenté par de nombreux documents « de première main ». Il traite de l’entrée en guerre de la France dans la première comme dans la seconde guerre mondiale, mais aussi de l’entrée en guerre des Etats-Unis, de la genèse de ce qui deviendra l’Unesco ou encore des relations entre Jacques Chevalier et le maréchal Pétain. Des échanges qui permettent également de pénétrer à l’intérieur de la doctrine philosophique de Bergson en prenant appui sur une amitié qui ne trouva son épilogue qu’au décès de Bergson.

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